Mandela inhumé, le symbole sera-t-il enterré ?

mandelaMandela inhumé, le symbole sera-t-il enterré ?

Sommaire de l’article :
– Hommages historiques à la lutte contre l’oppression et l’injustice.
– Le symbole sera-t-il dépouillé de sa valeur d’exemple ?
– Des luttes pour « la liberté et la dignité humaine » à poursuivre.
– La tradition musulmane salue l’œuvre de ceux qui luttent contre l’injustice.
– Un message,  pour le printemps arabe.

Un symbole de la lutte contre l’oppression et l’injustice vient de disparaitre : Nelson Mandela fût inhumé, dimanche 15 décembre dans son village natal en Afrique du Sud, après dix jours de deuil très animés.

Il est revenu vers son Seigneur à l’âge de 95 ans, après avoir consacré toute une vie à la lutte contre le régime féroce de l’apartheid au prix d’une longue incarcération qui a duré plus de 27 ans.

Hommages historiques à la lutte contre l’oppression et l’injustice

La disparition de cet homme,qui était devenu, depuis même son vivant,une icône de la lutte contre l’oppression et un symbole de la lutte pour la « liberté et la dignité humaine » ne laisse pas indifférent.

Dès l’annonce de sa mort jeudi 6 décembre, les peuples aspirant à la liberté, les femmes et les hommes qui luttent contre l’oppression, la colonisation et le racisme, lui ont rendu spontanément un hommage digne et émouvant.

Puis une effervescence d’hommages a gagné la planète lorsque, en plus des centaines de milliers d’anonymes, on a appris que les présidents des grandes puissances se bousculaient pour être présents aux cérémonies officielles.

C’est que l’homme mérite respect : Nelson Mandela est un militant hors norme : Quand il était prisonnier, il a su incarner le sacrifice de soi pour les grandes causes humaines et lorsqu’il est devenu président, il a pu incarner la réussite dans la gestion du pouvoir.

Le symbole sera-t-il dépouillé de sa valeur d’exemple ?

Mais,l’image de ces chefs d’états des grandes puissances qui tenaient à s’afficher aux cérémonies très médiatisées à côté de ces foules d’anonymes épris de la lutte pour la liberté et la dignité et rendant spontanément hommage à leur symbole, ne risque-t-elle pas brouiller le message et de vider Nelson Mandela de sa valeur d’exemple en  enterrant définitivement le symbole ?

Car, en voyant tous ces présidents des grandes puissances dont beaucoup ont, jadis, soutenu pendant très longtemps le régime de l’apartheid et fichant,même, Mandela comme terroriste, on peut se demander que viennent-ils saluer en cet homme ?

Et en constatant les écarts idéologiques des représentants de ces grandes nations allant de Raul Castro président de Cuba à Barak Obama président des USA, on peut s’interroger sur la valeur commune qu’ils accourent célébrer à sa mémoire?

Puis en constatant le soutien de la plupart de ces présidents à l’occupation et la colonisation et leur profil bas devant la répression qui s’abat sur les peuples aspirant à la liberté, on peut se demander si c’est bien la mémoire de Mandela qui est saluée ou bien si ce n’était qu’un simple exercice de style pour de célébrités voulant mêler le symbole de la lutte pour les causes humaines à leur propre personne.

Le risque que le message soit réellement brouillé est, alors, très fort. Et le symbole peut être vidé de sa valeur d’exemple et récupéré à des fins bassement matérielles comme cela est arrivé avec le Tche (et bien d’autres) dont l’effigie est même portée par des« dandys réacs » et a fait leur affaire commerciale.

En tout cas, ce n’est pas ce que Nelson Mandela espérait. Cet homme, même mourant, tenait à rester militant dans l’âme lorsqu’il a refusé de recevoir certaines grandes personnalités pour leur politique au Moyen-Orient et en Afrique.

Des luttes pour « la liberté et la dignité humaine » à poursuivre

Quelle déception serait si, après l’hommage planétaire rendu à Mandela, le message de sa lutte pour la liberté soit oublié et que les cérémonies historiques célébrées à la manière hollywoodienne en son honneur n’auront servi, en définitif, qu’à enterrer le symbole !

– Il serait paradoxal, qu’après cette grande mobilisation mondiale pour saluer sa lutte contre « l’oppression politique et pour la liberté et la dignité », de laisser, par exemple, le président égyptien élu Mohamed Morsi croupir 27 ans encore dans les geôles des putschistes.

– Il ne serait pas acceptable, aussi, d’être « taisant » sur le coup d’état mené contre la démocratie en Egypte par une junte militaire aidée par les vestiges de la dictature de Moubarak et qui , au vu et au su du monde entier, kidnappe un président démocratiquement élu, dissout le parlement démocratiquement élu, annule la constitution votée par le peuple à 64% …et réprime le peuple dans le sang ramassant aux bulldozers les corps des milliers de ses victimes.

– Il ne serait pas digne, non plus, d’oublier la lutte du peuple palestinien dont, à plusieurs reprises, Mandela soulignait la similitude avec la lutte des sud-africains contre l’apartheid et qui a déclaré avec lucidité : « Nous ne savons que trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens,… »

– Il ne serait pas, aussi, concevable de laisser « le racisme, la haine et l’exclusion » prendre une ampleur politique et remonter à la sphère des états pour devenir leur idéologie officielle.

La tradition musulmane salue l’œuvre de ceux qui luttent contre l’injustice

Les hommages chaleureux que les musulmans ont rendu avec les autres -et ont à rendre-,  à l’œuvre de Nelson Mandela émane de la tradition du prophète Mohammad (PSL) qui s’est rallié à la « coalition des vertueux » ; cette « coalition contre l’injustice » créée pour soutenir toutes les victimes d’injustices et pour prendre la défense des opprimés, et de laquelle il a dit : « Et si je suis invité à le refaire, dans le cadre de l’islam, je le ferais volontiers». (Ibn Hisham)

Un message,  pour le printemps arabe :

Si Nelson Mandela a réussi la gestion du pouvoir lorsqu’il était élu président, c’est parce qu’il a su garantir une certaine forme de « justice » nécessaire de passer de la dictature à  la  démocratie.

Il ne s’agissait pas d’organiser la vengeance des opprimés de leurs oppresseurs ni de dresser les potences pour des pendaisons exemplaires.

Il a suffi simplement d’arracher des aveux publics des bourreaux sur l’atrocité de leurs crimes puis susciter le pardon des opprimés. C’est ainsi qu’il a eu la capacité de conduire un pays du bord d’une guerre civile vers une cohésion nationale et a pu, ainsi, bâtir à la place du régime de l’apartheid une nation « arc en ciel » réconciliée.

Cette étape est nécessaire à la transition démocratique afin que les idéologues de l’apartheid et des dictatures ne puissent pas se fondre incognito dans la masse pour mieux réorganiser leur contre-révolution, comme cela s’était passé en Egypte et risque de se passer en Tunisie ou ailleurs.

Pourtant cette étape de « justice transitoire » apparait déjà clairement dans la Sira du prophète (PSL) lorsqu’à l’ouverture de la Mecque, le prophète (PSL) s’était tenu face à ses oppresseurs en disant : « Ô habitants de la Mecque ! Que pensez-vous que je vais faire de vous aujourd’hui ? »

Ils répondirent : « Du bien, car tu es un frère généreux, fils d’un frère généreux. » avouant leurs tords et demandant publiquement le pardon.

Ce n’est qu’après ces aveux formulés devant toute la population de la Mecque et une demande publique de pardon de la part des oppresseurs que le Prophète (PSL) leur a dit : « Je vous dis ce que Youssouf (Joseph) avait dit à ses frères : « Pas de récrimination contre vous aujourd’hui. Allez-y, vous êtes libres.»

Cette justice de transition n’est donc pas pour organiser une vengeance au contraire c’est pour l’éviter car la tentation est grande.

D’ailleurs, le jour de l’ouverture de Mecque, des musulmans pensaient qu’ils allaient enfin pouvoir se venger de leurs oppresseurs disant : « Ce jour est un jour de lutte sanglante.»

A quoi le Prophète (PSL)  rétorqua : « Non, ce jour est plutôt un jour de clémence.»

A ceux qui craignaient être accusés d’organiser leur vengeance ou pensaient qu’il n’avaient pas les moyens de le faire ou encore croyaient qu’il est impossible de le faire tellement que les vestiges de la dictature sont nombreux et se trouvent dans tous les rouages des institutions de l’état, qu’ils sachent que cette « justice transitoire » est nécessaire pour réconcilier le pays et éviter le retour à la dictature.

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